C'est une piste évoquée pour lutter contre la crise énergétique aux Etats-Unis: selon des chercheurs, les plantations de tabac dans le pays pourraient être utilisées pour produire du biocarburant, après une modification génétique de la plante destinée à augmenter sa teneur en huile.
Les scientifiques soulignent que le tabac présente l'avantage de ne pas être une source alimentaire, contrairement au maïs, soja et à d'autres cultures utilisées pour produire des biocarburants. Et tiennent à préciser qu'il n'y aucun risque de tabagisme passif pour les automobilistes qui se retrouveraient bloqués dans des embouteillages derrière des voitures "roulant au tabac": la plante ne serait en effet pas brûlée, mais simplement utilisée pour en extraire l'huile et le sucre.
Le tabac est une "plante énergétique" séduisante car elle peut donner une grande quantité d'huile et de sucre, plus efficacement que d'autres récoltes, souligne Vyacheslav Andrianov, chercheur à l'université Thomas Jefferson de Philadelphie.
M. Andrianov est le co-auteur d'un article publié en ligne en décembre sur la modification génétique du tabac pour augmenter la teneur en huile des feuilles. Selon les chercheurs, cette manipulation permet de tirer jusqu'à 20 fois plus d'huile de la plante.
"Le tabac pourrait certainement être utilisé. Toute plante est une source potentielle de biocarburant", note Matt Hartwig, porte-parole de l'Association des carburants renouvelables. "Je sais que les plantations de tabac ont été durement touchées ces dernières années et ce pourrait être une opportunité pour certains de ces producteurs."
L'utilisation commerciale du tabac comme biocarburant ne sera peut-être pas une réalité avant au moins cinq ans, mais les planteurs sont intéressés par cette perspective, souligne M. Andrianov. "Il y a d'autres cultures qui peuvent être utilisées", mais l'avantage du tabac est que "ce n'est pas une culture alimentaire", souligne-t-il. "J'ai beaucoup de réactions de fermiers qui aimeraient faire pousser du tabac dans des champs actuellement inutilisés."
Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), la production de tabac a baissé de 1,5% dans le monde ces dix dernières années. Elle a chuté de près de 39% aux Etats-Unis sur la même période, déclin dû en partie à un programme public incitant les planteurs à abandonner le tabac pour d'autres cultures.
Cette tendance s'explique largement par la baisse de la demande de cigarettes, affectée par les hausses de taxes, les préoccupations pour la santé et la généralisation des interdictions de fumer. Les industriels estiment que le nombre de cigarettes vendues aux Etats-Unis a reculé de 8% en 2009 en rythme annuel.
Face la perspective de produire des biocarburants, certains planteurs restent prudents. "Nous avons tendance à nous enthousiasmer quand nous entendons parler d'une utilisation alternative du tabac, mais jusqu'ici cela a représenté des niches très limitées", souligne Roger Quarles, un planteur du Kentucky, président de l'Association internationale des planteurs de tabac.
Dans la région de Caroline du Nord où vit Allen Wooten, il n'y a plus que quatre planteurs de tabac, contre près de 50 autrefois. "Il y a indiscutablement un déclin", souligne M. Wooten, lui-même producteur de tabac. Il explique que la hausse des coûts conjuguée à la baisse des profits ont contraint des planteurs à passer à d'autres cultures ou à mettre la clé sous la porte.
Reste que s'il faut une feuille de tabac de bonne qualité pour produire des cigarettes, ce qui induit des coûts élevés, M. Andrianov affirme que pour du biocarburant,
on peut "faire pousser le tabac comme une mauvaise herbe".
AP Michael Felberbaum News Yahoo 02/04/2010