Retraites
Directeur des études à Sauvegarde Retraites
Dans une étude intitulée « Agirc-Arrco : main basse sur nos retraites »,
vous venez de lever un lièvre incroyable : l’État s’apprête à « piquer »
dans la caisse des retraités du privé pour alimenter celle du public.
Pouvez-vous nous en dire plus ?
C’est un pillage en règle. L’opération doit consister à siphonner plusieurs
milliards d’euros dans les caisses complémentaires des salariés du privé
(Agirc-Arrco), pour alimenter le régime des fonctionnaires contractuels et
des élus (Ircantec). Alors que les prestations servies par l’Ircantec sont
près de deux fois meilleures que celles des régimes de droit commun, Agirc
et Arrco, à cotisation égale. Pour reprendre l’expression, très juste, du
journaliste de l’hebdomadaire « Le Point » qui a repris l’étude de
Sauvegarde Retraites, « c’est Robin des bois à l’envers » : on vole aux
pauvres pour donner aux riches !
L’Ircantec est-elle en si mauvaise situation financière ?
Pour mettre en œuvre ce plan honteux, l’État prétexte du changement de
statut de La Poste qui devient une société anonyme (SA). Les nouveaux
embauchés de cette entreprise publique vont être affiliés, non plus à
l’Ircantec, mais à l’Agirc-Arrco. Or, les administrateurs de l’Ircantec
estiment avoir un droit de propriété sur les futurs embauchés de La Poste
pendant 50 ans – un demi-siècle ! Entendez bien : « un droit de propriété
sur des cotisants » dont, au surplus, beaucoup ne sont pas encore nés !
Bien que l’Ircantec ait eu la chance, au cours des dix dernières années,
de recueillir 643 000 nouveaux cotisants, cette caisse est incapable,
aujourd’hui, d’assumer financièrement le niveau des prestations qu’elle
accorde à ses affiliés. Pour préserver coûte que coûte ces avantages, la
solution de facilité consiste alors à puiser, à pleines mains, dans les
autres caisses de retraite…
Et comment expliquez-vous que personne n’ait réagi ?
Cela paraît effectivement invraisemblable et c’est la question que nous nous
sommes posée. Pour autant, quand on regarde de plus près, on s’aperçoit
que tous les protagonistes de cette affaire y trouvent un intérêt. L’État s’est
engagé à « sécuriser » le régime de retraite Ircantec auquel est affiliée une
partie des fonctionnaires. Dans ce contexte, la ponction opérée dans les
caisses Agirc-Arrco lui apporte un ballon d’oxygène. Les syndicats sont
majoritairement dirigés par des fonctionnaires. Leur priorité est donc de
préserver les avantages des agents publics, même au détriment des salariés
du privé.
Par exemple, on serait en droit d’attendre que le syndicat des cadres, la
CFE-CGC, réagisse pour défendre les intérêts de l’Agirc, c’est-à-dire la
retraite complémentaire des cadres. Mais c’est sans compter sur le fait
que la CFE-CGC assure la présidence de l’Ircantec !
Enfin, le principe même de cette ponction a été voté et donc validé au Sénat
par le biais d’un amendement déposé lors des dernières discussions sur la
loi relative au changement de statut de La Poste. Ce n’est pas un hasard :
la Haute assemblée est élue au suffrage universel indirect par les élus
locaux. Élus qui sont tous, en tant que tels, affiliés à l’Ircantec… Au bout
du compte, tous se sont mis d’accord pour nous tondre la laine sur le dos !
Que peut-on faire pour empêcher ce hold-up d’État ?
On ne peut pas rester les bras croisés. Maintenant, que l’information a été
dévoilée, il faut absolument la diffuser. À Sauvegarde Retraites, nous avons
lancé une campagne auprès de tous les médias. L’hebdomadaire « Le Point »
a déjà relayé l’information et ce n’est qu’un début. Nous nous sommes
également adressés directement au Président de la République, au Premier
ministre, au ministre de l’Industrie, Christian Estrosi, qui a manigancé,
en bonne partie, cette opération.
Nous avons également interpellé tous les parlementaires, les 577 députés
et les 331 sénateurs, les administrateurs des caisses de retraite, pour qu’ils
renoncent à cette funeste entreprise. Les 87 000 membres de Sauvegarde
Retraites vont être mobilisés, nous allons lancer une pétition nationale par
courrier et par Internet. Enfin, il faut que chacun, à son échelle, informe
ses proches et ses connaissances de ce scandale. Nous ne devons négliger
aucun moyen d’action. Nous pouvons réussir. Si un tel scandale éclate au
grand jour, je doute que nos politiques puissent l’assumer électoralement…
http://www.sauvegarde-retraites.org/