Face à la crise financière, l’or n’a pas perdu de sa force. Au contraire, il est devenu une valeur refuge. Résultat : les chercheurs d’or se multiplient et exploitent artisanalement les filons aurifères. Des dizaines de milliers d’orpailleurs s’aventurent ainsi en Amazonie. Aveuglés par leur quête, ils sont à l’origine de la destruction d’un des derniers écosystèmes préservés.
Une invasion digne du Far-West
Rêvant de décrocher le gros lot, les orpailleurs, en majorité clandestins, débarquent par milliers à la frontière de la Guyane française, du Brésil et du Surinam. Leurs villages installés sur des zones vierges rappellent ceux des westerns avec leurs bars, commerces et églises. La police s’y rend rarement, ce qui profite aux trafiquants et mafieux. Les orpailleurs utilisent des barges gigantesques et des pompes qui aspirent l’eau de la rivière. Quand les filons s’épuisent, ils se déplacent et multiplient les zones d’extraction. Sans se soucier des parcs nationaux ni des réserves naturelles.
De l’or contre des arbres
En 2008, la déforestation amazonienne a augmenté de 69%. Au Brésil, la forêt a perdu près de 12 000 km². Les chercheurs d’or abattent les arbres pour installer leur chantier. Ils défrichent largement pour faciliter les accès et pour avoir suffisamment de place pour leur matériel et leur habitation. Ils n’hésitent pas à éventrer les berges des fleuves et des rivières pour installer leurs barges et pompes.
Pollution au mercure
La méthode la plus utilisée pour récupérer l’or reste l’emploi du mercure. Celui-ci amalgame les particules précieuses contenues dans les sédiments des cours d’eau. Pour un kilo d’or récupéré, 1,3 kg de mercure est nécessaire. Les deux métaux sont ensuite chauffés pour les séparer et le mercure est rejeté dans l’atmosphère et les cours d’eau où il se transforme en diméthyl-mercure. Un dérivé qui contamine poissons et hommes et provoque malformations et troubles nerveux. Chaque année, cinq à dix tonnes de mercure seraient versées dans les rivières guyanaises.
Des techniques grossières
Outre le mercure, les orpailleurs mal équipés et peu expérimentés utilisent des techniques rudimentaires. Pour quelques paillettes, ils nettoient le terrain avec une lance à incendie. Ce processus décape les sols et les rend infertiles. Pour se garantir une réserve d’eau, des rivières sont détournées. Les boues résiduelles sont rejetées à hauteur de 1 000 tonnes de boues par kilo d’or extrait, directement dans les cours d’eau. En Guyane, comme il n’existe aucune contrainte d’exploitation, les sites ne sont pas remis en état pour économiser davantage sur les coûts d’extraction.
Un business qui rapporte ?
Trop de prospecteurs, pas assez d’or : voilà ce qui attend la plupart des chercheurs. Le gramme d’or se vend environ 15 euros. Les plus débrouillards réussissent à gagner environ 250 euros par mois, une jolie somme par rapport au salaire local. Mais beaucoup y laissent leur santé faute de protection et d’équipement. Tout le bénéfice revient aux pays importateurs qui profitent largement de l’or clandestin. Le métal précieux extrait légalement en Guyane représente 3 tonnes contre 10 tonnes pour celui de la filière parallèle.
Développement du paludisme
Les bassins de décantation créés par les chercheurs d’or près des mines représentent un milieu de vie idéal pour le moustique vecteur du paludisme. Les orpailleurs, parfois porteurs de la maladie, la propagent en Amazonie et la transmettent aux populations locales. Avant leur arrivée, le paludisme qui tue environ 2 millions de personnes par an dans le monde, était absent de certaines régions amazoniennes.
Les chasseurs profitent eux-aussi de la ruée vers l’or. Pour nourrir la foule des orpailleurs et leur famille, ils organisent des battues et tuent les animaux de la forêt amazonienne, sans se préoccuper de savoir s’il s’agit d’espèces protégées telles que les iguanes, les jaguars, les perroquets ou encore les lamantins. Tout leur intérêt réside dans la monnaie utilisée pour les payer : de l’or, évidemment !
Destruction de la biodiversité en Guyane
La diversité végétale et animale de Guyane dépasse celle de toute l’Europe continentale. Une richesse menacée par l’orpaillage. En septembre dernier, plusieurs chantiers illégaux ont été découverts dans le Parc Amazonien de Guyane. En 2004, 10 000 travailleurs clandestins, 30 barges flottantes et 12 camps étaient repérés dans la Réserve naturelle des Nouragues, une zone auparavant totalement inhabitée.
Un mode de vie en voie de disparition
La présence massive des chercheurs d’or influe dangereusement sur le mode de vie des populations indigènes. Ces groupes ethniques, dont 60 vivent de façon totalement isolée, subissent la pollution des eaux, la destruction de leur habitat naturel. Non immunisés, ils sont infectés au contact des orpailleurs par toutes sortes de virus qui peuvent leur être fatals. Ils deviennent la cible facile de violences et de pillages.
Quelles solutions ?
De nombreuses opérations de gendarmerie sont menées pour éradiquer l’orpaillage clandestin. Mais les moyens modestes et l’immensité du territoire rendent souvent les initiatives inefficaces. Le WWF France espère une augmentation des contrôles sur les axes stratégiques de circulation mais aussi meilleure coopération des actions entre la Guyane, le Suriname et le Brésil Une traçabilité de l’or permettrait aussi de garantir l’origine du métal si précieux.
MSN Chaine Verte 27/10/2009