Cette année, la journée du 8 mars marquera les 100 ans de la Journée mondiale des femmes. Elle sera aussi l'occasion de célébrer les 40 ans du Mouvement de libération des femmes (MLF), dont les militantes sont restées des figures incontournables du féminisme et dont les héritières s'apprêtent à donner un nouveau souffle au mouvement.
La relève du féminisme sur les starting-blocks
Le réseau "Osez le féminisme", né en 2009 de la mobilisation pour défendre les budgets du Planning familial et l'accès à l'avortement et à la contraception, en est l'exemple le plus récent.
Il revendique 200 membres, des sections à Paris et Toulouse, d'autres en création. Contraception, sexualité, violences, inégalités professionnelles : tous les thèmes du féminisme sont abordés par ses membres, à la moyenne d'âge de 25 ans.
"On s'inscrit dans la lignée des féministes des années 70", explique sa fondatrice, Caroline De Haas. "Mais entre elles et nous il n'y a eu personne, et il faut prendre le relais parce que les mécanismes de la domination masculine sont encore là".
"Notre seule vraie différence, c'est Facebook", explique cette trentenaire. Sur le réseau social, leur groupe compte plus de 3.000 membres et les posts remplacent les tracts. Une publication mensuelle mêlant humour et sérieux est diffusée sur leur site internet.
"Le féminisme en tant que mouvement global a connu un déclin dans les années 80 et au début des années 90", relève Françoise Picq, historienne du féminisme. Selon elle, la tendance s'est inversée à la fin des années 90, des femmes réagissant à une "remontée de l'ordre moral".
Le Collectif droit des femmes, né en 1995, est resté piloté par des militantes des années 70 toujours très actives, à l'image de Maya Surduts et Suzy Rojtman, chevilles ouvrières cette année encore de la manifestation du 8 mars.
"On vient de vivre des années pas très féministes, mais comme tous les vingt ans, je sens monter une nouvelle vague de militantes qui voient que des acquis sont remis en cause", estime la philosophe et historienne Geneviève Fraisse.
Ni Putes Ni Soumises (NPNS), créé en 2003, utilise aussi volontiers Facebook. "C'est une manière de sortir le féminisme du formol avec un outil qui touche tous les milieux", explique sa présidente Sihem Habchi.
"Sur le droit des femmes à disposer de leur corps, je suis dans la droite lignée des années 70, mais le féminisme s'est arrêté aux portes des quartiers ghettos, où la contraception se fait encore sous le manteau", estime-t-elle.
"Quand on a commencé à parler des mariages forcés, des viols collectifs, des pressions des fondamentalistes, personne ne nous a ouvert la porte", poursuit-elle, fustigeant "le relativisme culturel de certaines féministes qui défendent le port du voile islamique".
Le jeune collectif La Barbe, fondé en 2008, s'est lui spécialisé dans la lutte contre le sexisme dans les lieux de pouvoir. Ses membres s'introduisent régulièrement dans des assemblées d'hommes en portant la barbe, encourageant ironiquement les hommes à persister dans leur sexisme.
"Les nouvelles militantes sont mobilisées contre le retour du sexisme et il y a du travail", juge Françoise Picq, citant l'exemple d'une affiche vue récemment dans une université, annonçant une soirée étudiante. "Il y avait des garçons en chasseurs et des filles en lapins, et un texte ouverture de la chasse, venez tirer votre coup, comme si l'image de l'homme prédateur et de la femme-objet ne choquait plus", observe-t-elle.
Emancipation des femmes : "encore beaucoup à faire" pour 76% des Français
Les trois quarts des Français répondent qu'"il y a encore beaucoup à faire" lorsqu'on leur parle de libération de la femme, selon un sondage de l'IFOP publié dans Sud Ouest Dimanche.
A la question "quand on vous parle aujourd'hui de libération de la femme, pensez-vous que...", 76% répondent "il y a encore beaucoup à faire", 15% "c'est gagné" et 9% "c'est une idée dépassée".
Ce sont les moins de 35 ans qui sont les plus nombreux à penser que "c'est gagné" (19% contre 15% en moyenne), les personnes nées entre 1961 et 1975 déclarant le plus souvent (81% contre 76% en moyenne) "qu'il y a encore beaucoup à faire".
Les retraités sont les plus nombreux à penser que "c'est une idée dépassée" (12% contre 9% en moyenne).
(Sondage réalisé entre le 25 et le 26 février en interrogeant par téléphone un échantillon -méthode des quotas- de 955 personnes).
Plus de femmes dans la vie active, mais moins payées que les hommes (BIT)
La proportion des femmes dans la vie active dans le monde a sensiblement augmenté depuis 30 ans, mais leur travail reste souvent moins rémunéré et plus ingrat, relève un rapport du Bureau international du travail (BIT) publié vendredi à Genève.
"Plus d'une décennie après l'adoption par la 4è Conférence mondiale sur les femmes de Pékin d'une plate-forme d'action ambitieuse (...), des préjugés liés au sexe restent fortement ancrés dans la société et sur le marché du travail", souligne le rapport.
Parmi les progrès, le BIT indique que le taux de participation des femmes à la vie active a augmenté de 50,2 à 51,7% entre 1980 et 2008 avec une progression plus sensible dans les années 80, début 90. Cependant les femmes "ne gagnent toujours pas autant que leurs homologues masculins sur le marché du travail", déplore le principal auteur du rapport, Mme Sara Elder, citée dans un communiqué.
"Il est de notre devoir, et en notre pouvoir, d'accélérer la marche vers l'égalité en termes de professions et de possibilités d'emploi", insiste-t-elle.
Peu présentes dans les emplois à responsabilité des entreprises, les femmes occupent seulement 7% des postes syndicaux clefs en Europe, constate quant à elle la Confédération européenne des syndicats (CES). Les femmes représentent pourtant près de 45% des membres des organisations syndicales affiliées à la CES, soit une augmentation de 3% depuis 2006, reflétant leur présence accrue dans les entreprises, souligne l'organisation
Moins de 25% de femmes dans les parlements nationaux en Europe
Les parlements des Etats membres du Conseil de l'Europe comptaient un peu moins d'un quart de femmes en 2008, selon une étude publiée vendredi à Strasbourg.
En 2003, l'organisation recommandait une représentation "équilibrée" des deux sexes. Cet équilibre est atteint, estime le Conseil de l'Europe, lorsque les femmes et les hommes "représentent au moins 40% des membres de tout organe décisionnaire de la vie politique et publique".
Trois pays (sur 34 concernés sur ce point par l'étude) ont atteint ce niveau au sein de leur chambre basse ou chambre unique. Ils appartiennent à l'Europe du Nord, Suède en tête avec 46,4% de femmes, suivie de la Finlande et des Pays-Bas (respectivement 41,5% et 41,3%).
On note toutefois une évolution en direction de la parité puisque la Suède était seule dans ce camp des très bons élèves en 2005.
Du côté des "mauvais élèves", on trouve l'Arménie, l'Ukraine et la Turquie avec une proportion de femmes députées comprise entre 8 et 9% mais qui a presque doublé par rapport à 2005.
La France affichait en 2008 un modeste 18,5%, soit tout de même une progression de 6,2% due aux législatives de 2007.
Lancée en août 1910, la Journée de la femme devait "contrecarrer" la poussée du féminisme
Ironie de l'histoire, la célébration d'une Journée de la femme, lancée en août 1910, avait pour but, selon son initiatrice, la socialiste Clara Zetkin, de "contrecarrer l'influence des groupes féministes sur les femmes du peuple", selon Françoise Picq, historienne à Paris IX.
La militante allemande du mouvement féminin socialiste international, proche de Lénine, a lancé cette idée lors de la 2ème conférence internationale des femmes socialistes, à Copenhague, sans avancer de date précise, ajoute l'historienne dans le supplément du journal du CNRS consacré à ce 100ème anniversaire et intitulé "le long chemin vers l'égalité". Il s'agissait alors surtout d'arracher le droit de vote des femmes.
Dès la prise du pouvoir par les Bolcheviques en Russie, la nouvelle tradition s'instaure, et après 1945, la Journée des femmes est officiellement célébrée chaque 8 mai dans tous les pays socialistes où elle s'apparente à la fête des mères !
Plus incroyable, en France, dans les années 1950, "toute la presse militante du PCF et de la CGT, comme celle des groupes femmes du mouvement de libération des femmes, relayée par les quotidiens nationaux" écrit que le 8 mars commémore une manifestation de couturières new-yorkaises le 8 mars 1857, explique l'historienne.
Or cet événement n'a jamais eu lieu, et les journaux de l'époque "n'en ont jamais fait mention", ajoute Françoise Picq qui a débusqué l'"invention" des couturières new-yorkaises il y a une trentaine d'années.
Au fil du temps, en France, cette commémoration soigneusement encadrée par le PCF et ses organisations satellites va s'émanciper, à l'initiative, pense Françoise Picq, de Madeleine Colin, alors dirigeante de la CGT, qui devait souhaiter lui donner un caractère moins traditionnel et réactionnaire. Elle devient alors celle de la lutte des femmes travailleuses.
"Le 8 mars est devenu une date officielle il y a une trentaine d'années mais pour ma génération c'était l'anti-fête des mères", explique la philosophe et historienne Geneviève Fraisse, auteure entre autres du livre "Les Femmes et leur histoire".
Marche à Bruxelles
Plusieurs milliers de défenseurs des droits des femmes, 2.500, selon la police, et 4.000, selon les organisateurs, ont manifesté samedi dans les rues de Bruxelles.
Cette "marche mondiale des femmes" était organisée pour revendiquer notamment l'autonomie économique et financière des femmes ou dénoncer la violence à leur égard.
La marche s'est achevée au Palais de justice, où une liste de revendications a été remise à plusieurs personnalités politiques, dont la ministre belge de l'Emploi, Joëlle Milquet.
06/03/2010 Info France 3