Pieds de mouton
La contamination radioactive des champignons
Les 900 analyses de champignons effectuées par le laboratoire de la CRII-RAD ont permis de classer les espèces tudiées en trois groupes :
espèces généralement peu contaminées, comme le rosé des prés et la morille; modérément contaminées comme la trompette de la mort et le cèpe de Bordeaux; espèces à fortes capacités de concentration,
comme le bolet bai et le laqué améthyste (violet),
le pied de mouton et la chanterelle d'automne.
Des capteurs de radioactivité
En cas de pollution radioactive, le champignon constitue un aliment a risques. Contraint de puiser ses nutriments dans le sol, il a developpé une forte capacité d'extraction, et s'est doté de systemes enzymatiques performants. L'absorption s'effectue grâce à des récepteurs spécifiques situés sur les membranes du mycélium. Capable d'extraire les éléments, stables ou radioactifs, présents dans son substrat,
le champignon a également la particularité de les accumuler grâce à un métabolisme assez lent, et à une certaine longévité : de l'ordre de plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d'années.
Les végétaux chlorophylliens sont généralement bien moins contaminés que le sol dans lequel ils poussent : l'extraction racinaire du césium radioactif est faible. Chez certaines espèces de champignons, le phénomène s'inverse : le mycélium parvient à concentrer le césium. Une étude portant sur les trois premiers centimètres du sol a montré que le mycélium représentait, en moyenne, 5 à 6% de la masse du sol mais contenait plus de 30% du césium. (1)
La catastrophe de Tchernobyl a permis d'étudier l'impact des radiations nucléaires dans le sol et notamment l'absorption du Césium par les champignons.
Il y a douze ans, le 26 avril 1986, le réacteur de la centrale de Tchernobyl explose et projette dans la haute atmosphère des tonnes de particules radioactives. Aussitôt, un nuage se forme et, durant les jours qui suivent, il se disperse à travers toute l'Europe au gré des vents qu'il rencontre. Sur son passage, il libère en particulier du césium 134 et 137. Ces deux composants n’apparaissent qu’au cours d’une réaction nucléaire.
La présence de césium 137 dans un organisme vivant n'est donc jamais naturelle : elle dénote nécessairement une contamination liée à un accident nucléaire.
Aujourd'hui, on en retrouve en quantité plus ou moins grande dans tout l'hémisphère nord.
Chaque espèce possède en effet plusieurs caractéristiques qui vont influer sur sa capacité à concentrer le césium. Parmi les principales, on distingue :
- L'équipement enzymatique
- L'habitat : prairie, clairières, ou au contraire forêts de feuillus ou de conifères
- Le mode de nutrition : certaines espèces poussent sur les souches, d'autres sur le sol; celles qui vivent en symbiose avec les arbres pourront être influencées par la physiologie de leur hôte
- L'implantation du mycelium : selon qu'il prospectera un horizon superficiel ou profond, il recontrera plus ou moins de césium. De façon générale, dans les sols forestiers, ou les sols de montagne pauvres en nutriments, le césium reste concentré dans la litière et les premiers centimètres du sol. Il progresse peu en profondeur, car il est intensement absorbé et recyclé.
Les champignons ont des organismes encore assez mal connus. La partie visible ressemble à un fruit, mais le champignon lui-même est un réseau souterrain de filaments à peine plus épais qu'un cheveu: le mycélium. Ce mycélium puise sa nourriture dans la litière en décomposition du sol. Si, au départ, les feuilles des arbres sont contaminées, à la fin du cycle, le césium 137 est absorbé par le mycélium. Et comme un mycélium peut vivre plusieurs années, le taux de contamination à tendance à augmenter progressivement.
Après avoir découvert la contamination des aliments par la catastrophe de Tchernobyl, il a bien fallu décider quelle quantité de césium radioactif on pouvait tolérer dans les produits que l'on mange. Pour les champignons, la norme dans tous les pays d'Europe de l’ouest a été fixée, un peu à la hâte, à 600 becquerels par kilo (Bq/kg). Cette mesure donne le niveau de radiation émise par le césium qui a contaminé le produit.
Aujourd'hui, 12 ans après l'accident, les champignons sauvages qu'on achète au marché devraient être nettement en dessous de cette norme. Mais cet automne, les autorités autrichiennes ont averti leurs homologues européens que des chanterelles fortement radioactives étaient importées des pays de l'Est. Les Français ont effectué des contrôles et ils ont trouvé des lots dont la contamination dépassait de 5 fois la norme. ABE a voulu vérifier ce qu'il en était sur les marchés suisses.
Parce que les champignons des pays de l'Est, on en vend beaucoup. Cette année, les statistiques des douanes montrent que plus de 20% des champignons frais importés en Suisse viennent d'Europe de l’est, soit près de 1 sur 4. Donc, si à partir de demain, les champignons des pays de l'Est disparaissent mystérieusement des marchés, méfiez-vous. Cela dit, la loi oblige les vendeurs à afficher une provenance.
Lorsqu’on ingère des champignons contenant du césium 137, ce césium va passer de l’intestin dans le sang, en suivant les mêmes circuits que le potassium, qui est lui-même un élément que l'on retrouve à l'intérieur des cellules.
Le césium se répartit dans l'ensemble du corps avant de commencer à être éliminé par voie urinaire et par les selles. 50% de l'élimination se fait en l'espace de deux à trois mois.
Enfin, certaines espèces paraissent stocker plus facilement le césium. Cela tient probablement à des facteurs comme la profondeur du mycélium dans le sol ou le type d'arbre sous lequel pousse le champignon, attention donc aux amateurs de bolet bai, laqué améthyste (violet), pied de mouton et de chanterelle d'automne.
Les mycologues qui aimeraient connaitre le taux de contamination de leur coin de forêt se référeront à la carte des retombées de césium 137 après Tchernobyl.
Méfiez vous des champignons achetés en provenance des pays de l'Est, où les contrôles sanitaires sont plus que légers, les pays de l'Est ont d'avantage été atteints par les retombées radioactives de Tchernobyl en 1986.
A suivre, les retombées nucléaires du désastre sismo-tsunamien de la centrale nucléaire japonaise de Fukushima du 11 mars 2011.
Références: